La société Fred Paris a obtenu la condamnation d’une créatrice de bijoux qui commercialisait une gamme de bijoux reproduisant les caractéristiques essentielles du bracelet Force 10 GM et de son modèle communautaire.
La société Fred Paris a obtenu, le 18 juin 2025 (TJ Paris, 18 juin 2025, RG n° 23/10855), la condamnation d’une créatrice de bijoux qui commercialisait une gamme de bijoux reproduisant les caractéristiques essentielles du bracelet Force 10 GM et de son modèle communautaire. Nous n’avons pas connaissance d’un éventuel appel interjeté.
Le litige oppose un célèbre joailler et une créatrice de bijoux
La célèbre maison française de joaillerie et d’horlogerie compte, parmi ses créations, deux gammes de bijoux dénommées « Force 10 » et « Chance Infinie ». La maison est titulaire du modèle de l’UE n° 000772819-0001, déposé en 2007, représentant la fameuse boucle en forme de manille stylisée des créations de la gamme Force 10.
La défenderesse est une créatrice de bijoux qui commercialisait, sur son site Internet et sur des marchés locaux, des modèles qui reproduisaient, selon Fred Paris, les caractéristiques essentielles de ses produits.
Fred Paris a ainsi, après mise en demeure, assigné la créatrice de bijoux en contrefaçon de droit d’auteur, en contrefaçon de modèle et en concurrence déloyale.
Des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale étaient invoqués
Fred Paris alléguait que la créatrice avait enfreint ses droits d’auteur en reproduisant les caractéristiques essentielles composant l’originalité des produits litigieux. Concernant le modèle de l’UE, la société estimait que les bijoux litigieux reprenaient les caractéristiques essentielles des produits de la marque, de sorte qu’ils créaient une même impression visuelle globale, caractérisant ainsi des actes de contrefaçon.
La créatrice reconnaissait la similitude entre les bijoux mais invoquait la banalisation de la gamme, de nombreux bijoux similaires étant commercialisés par des tiers. Elle arguait, pour sa défense, que l’acheteur moyen n’est pas conscient de la similitude entre les produits litigieux et ceux de Fred Paris.
Le tribunal a reconnu l’ensemble des faits reprochés
Sur la contrefaçon de droits d’auteur
Après avoir reconnu la titularité des droits revendiqués par Fred Paris, qui exploite publiquement sa gamme depuis au moins 2008, les juges caractérisent l’originalité des bijoux la composant.
Ils constatent que les bijoux litigieux reprennent, comme l’alléguait la demanderesse, les caractéristiques essentielles des siens.
Les actes de contrefaçon sont ainsi caractérisés selon les juges, « peu important l’existence d’autres sites proposant des bijoux similaires […], la bonne foi étant indifférente », en particulier dans un contexte où la créatrice avait été mise en demeure par Fred Paris.
Sur la contrefaçon de modèle communautaire
De même, le tribunal reconnait la reproduction des caractéristiques essentielles du modèle dans les bijoux de la créatrice qui produisent, sur l’utilisateur averti, la même impression globale.
Sur la concurrence déloyale et le parasitisme
Le risque de confusion ou d’association dans l’esprit du public créé par l’effet de gamme des bijoux de la défenderesse est reconnu. Il vaut en particulier pour la gamme « Chance infinie » qui n’avait pas fait l’objet d’un dépôt de modèle.
Le parasitisme résulte de la volonté de la défenderesse de se placer dans le sillage de la société Fred Paris pour profiter de ses investissements et de la notoriété de ses bijoux.
La réparation octroyée reste modeste
La créatrice de bijoux est condamnée à réparer le préjudice subi par Fred Paris au titre de la contrefaçon, estimée à hauteur de 3 000 euros, et du parasitisme et concurrence déloyale, à hauteur de 1 000 euros. Le caractère modeste de ces montants résulte notamment du fait que Fred Paris n’avait pas prouvé, selon le tribunal, des conséquences économiquement négatives ; que les bénéfices réalisés étaient limités ; qu’il n’était pas prouvé que les actes reprochés s’étaient étalés dans le temps. Le préjudice réparé est donc circonscrit aux économies d’investissement réalisées et au préjudice moral résultant de la banalisation des bijoux de la demanderesse.
La défenderesse est également condamnée à verser 3 000 euros à Fred Paris en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Cette décision illustre la double protection des créations joaillières (et de toutes les œuvres d’art appliqué) par le droit d’auteur et le droit des dessins et modèles, mais aussi par le droit commun de la responsabilité civile entre concurrents.
Elle incitera peut-être les titulaires de droits qui envisagent d’assigner à opérer une balance entre les coûts de la procédure, les perspectives de réparation potentiellement très modestes et le souhait éventuel de faire de ces condamnations une affaire de principe.