- Égalité de traitement : les titres-restaurants s’imposent aussi pour les télétravailleurs
Jusqu’à présent, la question de l’attribution des titres-restaurants aux salariés en télétravail faisait débat. Si certains juges privilégiaient le principe d’égalité de traitement, d’autres considéraient que l’employeur pouvait les refuser en l’absence de frais de restauration supplémentaires.
Par deux arrêts rendus le 8 octobre 2025[1], la Cour de cassation a tranché : les salariés en télétravail ont droit aux titres-restaurants dans les mêmes conditions que ceux travaillant sur site.
S’appuyant sur l’article L. 1222-9 du Code du travail qui dispose que le télétravailleur bénéficie des mêmes droits que le salarié exerçant ses fonctions dans les locaux de l’entreprise, la Cour précise que la seule condition d’attribution du titre-restaurant est que le repas soit compris dans l’horaire journalier du salarié, sans distinction selon le lieu d’exécution du travail ou le mode d’organisation de l’activité.
Dans un second arrêt, la Cour ajoute que l’usage consistant à attribuer des titres-restaurants aux salariés éloignés du restaurant d’entreprise ne peut être suspendu du seul fait de leur passage en télétravail.
💡 À retenir : L’attribution des titres-restaurants doit désormais être identique pour les salariés sur site et ceux en télétravail dès lors que leurs horaires de travail incluent une pause repas.
Au-delà de cette précision jurisprudentielle, la mise en place de titres-restaurants reste un levier intéressant pour renforcer le pouvoir d’achat des salariés, bénéficiant d’un régime social et fiscal avantageux (exonération de cotisations de sécurité sociale dans la limite de 7,26 € pour les titres émis depuis le 1er janvier 2025).
- Licenciement et remise tardive des documents de fin de contrat
En application des articles L.1234-19, L.1234-20 et R.1234-9 du Code du travail, l’employeur doit remettre au salarié ses documents de fin de contrat au moment de la rupture de son contrat de travail.
En cas de licenciement pour faute grave, le contrat de travail est rompu, sans préavis, dès sa notification[2]. Dans ce cadre, la date de rupture du contrat de travail se situe à la date où l’employeur exprime sa volonté de mettre fin à la relation de travail, soit au moment de l’envoi de lettre de licenciement en cas de notification par lettre recommandée[3].
C’est au visa de ces dispositions que la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de Montpellier en jugeant que le contrat de travail prenant fin à la date du licenciement lorsque celui-ci est prononcé pour faute grave, l’employeur doit délivrer au salarié ses documents de fin de contrat dès cette date.
Dans le cas d’espèce, le salarié avait été licencié le 9 avril 2018 et ses documents de fin de contrat lui avaient été remis le 6 juin 2018.
La Cour d’appel avait débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour remise tardive desdits documents au motif qu’aucun fait dommageable ne saurait être établi compte-tenu de la date de fin du préavis hypothétique.
La Cour de cassation casse logiquement cet arrêt, les documents de fin de contrat devant être remis à la date du licenciement en cas de faute grave en raison de l’absence de préavis effectué ou payé.
Si ce n’est pas le cas, le salarié peut donc prétendre à des dommages et intérêts. Il conviendra néanmoins qu’il justifie du préjudice qu’il estime avoir subi[4], qui pourrait en pratique être constitué, à titre d’exemple, par le bénéfice tardif des allocations de l’assurance chômage. Un délai de quelques jours entre le licenciement et la date de remise des documents ne devrait toutefois pas être préjudiciable puisque l’indemnisation France travail sera différée d’un délai minimal de 7 jours, outre la carence liée au paiement du solde de congés payés.
Au regard de cette décision, les entreprises devront être vigilantes quant au respect d’un délai restreint entre l’envoi de la lettre de licenciement pour faute grave et la remise des documents de fin de contrat. Cet envoi concomitant pourrait poser des problématiques d’ordre pratique, certaines entreprises n’établissant les documents de fin de contrat qu’en fin de mois. Pour sécuriser au maximum le processus de licenciement, cette pratique devra donc être, dans certains cas, adaptée.
- Adoption et assistance médicale à la procréation : renforcement de la protection et autorisations d’absence
Définitivement adoptée par le Parlement le 19 juin dernier, la loi nº 2025-595 visant à protéger les personnes engagées dans un « projet parental » par procréation médicalement assistée (PMA ou assistance médicale à la procréation) ou adoption a été publiée au Journal officiel du 1er juillet dernier.
Désormais, la protection contre les discriminations liées à un projet parental s’applique à tous les salariés, qu’ils soient femmes ou hommes, et qu’ils soient engagés dans un parcours de PMA ou dans une procédure d’adoption. L’employeur ne peut donc plus refuser une embauche, rompre un contrat ou prononcer une mutation en se fondant sur la participation d’un salarié à un tel projet. Il lui est également interdit de rechercher ou d’exploiter des informations à ce sujet.
Les salariés engagés dans une démarche de PMA peuvent désormais bénéficier d’autorisations d’absence pour se rendre aux examens médicaux, interventions ou traitements nécessaires. De plus, un salarié peut accompagner son conjoint, partenaire de PACS ou concubin dans ce parcours, dans la limite de trois examens ou actes médicaux obligatoires par protocole.
Enfin, les salariés participant à un projet d’adoption ont aussi droit à des autorisations d’absence pour assister aux entretiens obligatoires nécessaires à l’obtention de l’agrément. Un décret d’application précisera prochainement le nombre maximal d’autorisations d’absence accordées dans ce cadre.
Cette loi marque une avancée majeure en matière d’égalité et de non-discrimination : les projets parentaux, qu’ils passent par la PMA ou l’adoption, sont désormais pleinement reconnus dans le cadre professionnel. Les employeurs doivent en conséquence adapter leurs procédures internes d’absence et de gestion RH pour se conformer à ces nouvelles dispositions.
- Indemnisation automatique en cas de discrimination syndicale établie — nouveau revirement
En 2016, la Cour de cassation rendait un arrêt de principe jugeant qu’en cas de manquement de l’employeur à une obligation légale ou conventionnelle, il revient souverainement aux juges du fond d’apprécier l’existence d’un préjudice et son évaluation[5].
Depuis, la Haute-Juridiction a consacré plusieurs exceptions à ce principe.
Par un arrêt du 10 septembre 2025, elle en reconnait une nouvelle en considérant que « le seul constat d’une discrimination syndicale ouvre droit à réparation »[6].
En l’espèce, un salarié anciennement délégué du personnel avait été licencié pour inaptitude à l’issue de sa période de protection. Dans le cadre d’une procédure de contestation de son licenciement, il sollicitait des dommages et intérêts pour discrimination syndicale.
La Cour d’appel de Dijon l’en déboutait au motif que :
- d’une part, il ne rapportait pas la preuve du préjudice subi ;
- d’autre part, le simple fait que la Cour reconnaisse qu’il avait été discriminé suffisait à réparer son préjudice.
La Cour de cassation casse cet arrêt en considérant, de manière assez prétorienne, que le simple constat d’une discrimination syndicale ouvre droit à réparation.
Cette décision surprend en effet par son fondement. La Cour de cassation prévoit deux critères distincts permettant de consacrer une exception à l’appréciation souveraine des juges du fond :
- lorsqu’une indemnisation automatique est prévue par un texte de droit interne [7];
- lorsqu’il est nécessaire d’assurer l’effectivité d’une norme européenne ou internationale d’effet direct en l’absence d’une norme interne le garantissant[8].
Dans cet arrêt, la Cour de cassation n’explique pas sur lequel de ces critères elle s’est fondée pour consacrer cette nouvelle exception. Et pour cause, puisqu’aucun de ces deux critères ne saurait être, a priori, satisfait.
A la lecture de l’avis de l’avocat général, on comprend que ce dernier propose la reconnaissance d’un troisième critère qui serait constitué cumulativement par :
- l’importance de la règle de droit du travail en cause, et
- l’impossibilité pour la victime de rapporter la preuve du préjudice.
Si la Cour de cassation ne vise pas expressément ce nouveau critère, il est légitime de supposer qu’elle s’est appuyée sur celui-ci pour rendre sa décision.
Aussi, ce nouveau critère pourrait entraîner une augmentation significative des cas d’indemnisation automatique du préjudice. Toutefois, la Cour de justice de l’Union européenne a récemment jugé que l’appréciation souveraine des juges du fond quant à l’existence du préjudice n’obstrue pas l’effectivité de la norme supranationale[9]. Cette position devrait, a contrario, permettre à la Cour de cassation de ne pas reconnaître systématiquement l’existence d’un préjudice sur le fondement de ce critère évoqué précédemment.
- Caméras dissimulées en entreprise : la CNIL rappelle les conditions de licéité du dispositif
Par une délibération du 18 septembre 2025[10], la CNIL a infligé une amende de 100 000 € à une société pour avoir dissimulé des caméras prenant l’apparence de détecteurs de fumée et enregistrant les conversations des salariés dans ses réserves. Cette décision rappelle les conditions strictes encadrant tout recours à des dispositifs de vidéosurveillance cachés sur le lieu de travail.
Ainsi, l’installation de caméras dissimulées ne peut être envisagée qu’à titre exceptionnel, lorsqu’il existe des soupçons raisonnables d’irrégularités graves et à condition de préserver un équilibre entre la sécurité de l’entreprise et la vie privée des salariés.
Pour être licite, un tel dispositif doit être :
- temporaire et strictement limité dans le temps,
- documenté et justifié par des éléments objectifs,
- conforme au RGPD, après consultation du délégué à la protection des données.
En l’espèce, la société n’a pas été en mesure de démontrer le caractère temporaire de l’installation ni d’en justifier la conformité au regard des exigences de transparence et de loyauté. La CNIL a également relevé un enregistrement sonore jugé excessif au regard du principe de minimisation des données, l’absence d’association du délégué à la protection des données à la mise en place du dispositif, ainsi qu’un défaut de notification d’une violation de données à caractère personnel.
Cette décision rappelle que la mise en œuvre d’un dispositif de vidéosurveillance caché ne peut être envisagée qu’à titre tout à fait exceptionnel et doit s’accompagner de garanties strictes, tant sur le plan de la proportionnalité que de la conformité au RGPD.
[1] Cass. soc., 8 oct. 2025, nº 24-12.373 FS-B / Cass. soc., 8 oct. 2025, nº 24-10.566 FS-B
[2] Article L.1234-1 du Code du travail
[3] Cass. Soc., 4 mars 2015, n°13-16.148
[4] Cass. Soc., 22 mars 2017, n°16-12.930
[5] Cass. Soc., 13 avril 2016, n°14-28.293
[6] Cass. Soc., 10 septembre 2025, n°23-21.124
[7] Cass. Soc., 13 septembre 2017, n°16-13.578
[8] Cass. Soc., 26 janvier 2022, n°20-21.636
[9] CJUE, 20 juin 2024, C-367/23, EA c. Artemis security SAS.
[10] Cnil, délib. nº SAN-2025-008, 18 sept. 2025
