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Newsletter IP « Cession globale d’œuvres futures d’un salarié : vers une approche pragmatique »

Newsletter / 09 février 2023

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CESSION GLOBALE D’ŒUVRES FUTURES  D’UN SALARIE : VERS UNE APPROCHE PRAGMATIQUE

 

En principe, hormis certaines exceptions dont le logiciel, il n’existe pas de dévolution automatique des droits patrimoniaux de l’auteur salarié au bénéfice de son employeur. Ainsi, lorsqu’un salarié crée une œuvre de l’esprit (logo, photographie, texte, etc.), dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail, c’est lui, et non l’employeur, qui bénéficie ab initio des droits d’auteur sur l’œuvre créée. Afin de permettre à l’employeur d’exploiter paisiblement les différentes créations de ses salariés, il est nécessaire de formaliser une cession des droits patrimoniaux (tout en respectant un certain formalisme).

 

En pratique, deux difficultés sont régulièrement soulevées tant la loi est en inadéquation avec la réalité opérationnelle des entreprises : (i) la prohibition de la cession globale des œuvres futures (article L. 131-1 du CPI) et (ii) la rémunération du salarié au titre de la cession de droits patrimoniaux d’auteur, qui doit en théorie être distincte de son salaire.

 

Dans un arrêt du 25 janvier 2023 (RG 19/15256), la cour d’appel de Paris confirme une position pragmatique permettant ainsi d’assurer aux entreprises une certaine sécurité juridique.

Dans cette affaire, une salariée (styliste et directrice artistique) reprochait à son employeur de ne pas l’avoir rémunérée au titre des droits patrimoniaux liés à l’exploitation de ses œuvres dans le cadre de collaborations entre son employeur et d’autres sociétés. Elle soutenait notamment que la clause de cession contenue dans son contrat de travail était nulle en ce qu’elle serait une cession globale d’œuvres futures et qu’elle serait dénuée de contrepartie financière.

 

 

1) La cour d’appel valide la clause de cession des œuvres « au fur et à mesure » de leur création

 

En raison de la règle de la prohibition de la cession globale des œuvres futures, un mécanisme assez lourd devrait, en théorie, être mis en place par les employeurs, consistant à conclure régulièrement des réitérations de cession de droits d’auteur par écrit avec leurs salariés auteurs. En plus de la contrainte liée à la lourdeur de ce processus, le salarié peut changer d’avis et ne pas ratifier de tels documents.

 

Afin de contourner cette prohibition, clairement inadaptée au monde de l’entreprise et au volume des créations, les praticiens ont pour habitude d’insérer une clause prévoyant la cession des œuvres, en lien avec la mission du salarié, « au fur et à mesure » de leur création.

 

La cour d’appel confirme la validité d’une telle clause au motif « […] qu’elle délimite le champ de la cession à des œuvres déterminables et individualisables à savoir celles réalisées par la salariée dans le cadre du contrat de travail et au fur et à mesure que ces œuvres auront été réalisées ».

Cet arrêt est ainsi le bienvenu en ce qu’il vient confirmer une interprétation souple de l’article L. 131-3 du CPI. Cette solution pourrait parfaitement s’appliquer aux commandes régulières faites à des auteurs non salariés.

 

 

2) La cour d’appel semble valider l’absence de distinction entre le salaire et la rémunération des droits d’auteur

 

En théorie, le contrat de travail concernant un salarié « auteur » doit distinguer deux types de rémunération: (i) le salaire pour la prestation/la réalisation de la création et (ii) une rémunération en droits d’auteur pour l’exploitation des droits d’auteur afférents à ladite création. Cette ventilation peut s’avérer difficile à mettre en œuvre en pratique dans la mesure où ces sommes ne sont pas soumises au même régime fiscal ou de cotisations.

 

Dans son arrêt, la cour précise « qu’une rémunération forfaitaire n’opérant pas de distinction entre la rémunération de la prestation de travail et la contrepartie de la cession des droits d’auteur est licite ». En d’autres termes, l’absence de ventilation entre le salaire d’un salarié et la rémunération perçue par celui-ci au titre de la cession de droits d’auteur serait donc valable.

 

La cour adopte ici encore une approche pragmatique. Il est toutefois regrettable que la cour n’explique pas son raisonnement. Dans tous les cas, en l’absence de ventilation entre salaire et rémunération des droits d’auteur, il convient de qualifier la totalité de la somme versée en salaire soumis au paiement de cotisations sociales.


Article rédigé par Véronique Dahan, Margaux Parmentier et Jérémie Leroy-Ringuet.

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