MALADIE PENDANT LES CONGES : L’EUROPE FORCE LA FRANCE A REVOIR SON DROIT

Selon la CJUE, le congé annuel payé vise le repos, tandis que l’arrêt maladie sert à la guérison. L’un ne saurait donc se substituer à l’autre.

 

Le Code du travail français ignore cependant cette situation et la jurisprudence considère que « si un salarié tombe malade durant sa période de congé, son arrêt maladie n’est pas pris en compte. Les jours de congés sont perdus et ne peuvent pas être reportés ».

 

Au vu de ce décalage, la Commission européenne a lancé le 18 juin 2025 une procédure d’infraction contre la France. Une lettre de mise en demeure a été envoyée pour enjoindre à la France de se conformer à la directive 2003/88/CE sur le temps de travail afin de garantir l’effectivité du droit au congé annuel. La France a deux mois pour se mettre en conformité, sous peine d’une saisine de la CJUE et d’une possible condamnation. Le législateur devra donc adapter le Code du travail.

 

Certains juristes et syndicats favorables à l’évolution y voient une avancée sociale importante afin de garantir aux salariés un vrai droit au repos, même en cas de maladie survenue pendant les vacances, alors que congé maladie et congés payés poursuivent deux finalités différentes. De nombreux pays prévoient ce droit au report : en Belgique, à condition pour le salarié d’informer son employeur immédiatement, de fournir un certificat médical, et de reprogrammer les jours ultérieurement ; en Italie, en Espagne ou en Suisse où le droit au report est strictement encadré avec l’exigence de justificatifs médicaux rigoureux et sans permettre de vacances prolongées.

 

De nombreuses critiques s’élèvent néanmoins contre ce dispositif en redoutant une généralisation des arrêts maladie pendant les congés et des comportements opportunistes pour prolonger artificiellement les vacances.

 

Les abus d’arrêts maladie sont déjà une réalité préoccupante. L’Assurance Maladie a relevé une explosion des faux arrêts de travail ces dernières années. 42 millions d’euros de fraudes aux arrêts maladie ont été détectés en 2024, un chiffre 2,4 fois plus élevé qu’en 2023. De plus, sur 230 000 arrêts maladie vérifiés par des médecins-conseils, un sur trois s’est avéré injustifié et a été suspendu.

 

Afin de lutter efficacement contre ces abus, l’Assurance Maladie a mis à disposition, puis rendu obligatoire à compter de juillet 2025 un nouveau formulaire Cerfa d’avis d’arrêt de travail difficilement falsifiable et davantage sécurisé (papier spécial, étiquette holographique, encre magnétique, identification du prescripteur, etc.).

 

Renforcer le contrôle des arrêts maladie est certainement une contrepartie raisonnable à l’évolution du droit français exigée par la Commission européenne, pour éviter les abus et préserver la crédibilité du dispositif. La confiance dans le système suppose de préserver l’équilibre entre droits individuels et prévention des abus. C’est à cette condition que cette réforme pourra être pleinement acceptée et efficace.

SUITE DE L’ANALYSE DE BLAISE DELTOMBE POUR LE JOURNAL SPECIAL DES SOCIETES

Suite de l’analyse sur les enquêtes internes dans le Journal Spécial des Sociétés – JSS : « le rapport post-enquête interne, un exercice d’équilibriste ».

 

Après avoir rappelé que les enquêtes internes sont devenues indispensables face aux signalements et démontré l’importance des bonnes pratiques pour des entretiens efficaces, Blaise Deltombe intervient dans ce nouvel article sur l’étape cruciale de la rédaction du rapport final d’enquête interne.

 

Comme il le souligne, l’enquêteur ne peut se substituer au juge. Il recommande une approche nuancée : « il faut être assez affirmatif pour exclure ou confirmer la qualification des faits » tout en gardant à l’esprit que seul le juge a l’autorité pour qualifier juridiquement.

 

Concernant le contenu du rapport, Blaise Deltombe ne préconise pas un verbatim complet mais plutôt une synthèse des entretiens et des investigations menées. Il peut inclure des verbatims partiels pour des éléments clés permettant d’éclairer les propos des parties.

 

Il rappelle également l’application du RGPD même dans le cadre d’une enquête interne, donnant aux salariés interrogés un droit d’accès et de rectification des données les concernant. Blaise Deltombe recommande, si possible, une rédaction paritaire avec un représentant du personnel pour donner plus de poids aux conclusions des enquêteurs lorsqu’elles sont concordantes.

 

L’objectif reste constant : éclairer l’employeur sans se substituer à son pouvoir de décision disciplinaire, dans le respect des droits de chacun.

 

👉 L’intégralité de l’article est disponible ici.

MATHIEU GAUDEMET POUR OPTION DROIT & AFFAIRES

📢 Mathieu Gaudemet et Laurence Esteve de Palmas, interrogés par Option Droit & Affaires sur la reconversion de friches industrielles : les nouvelles obligations des porteurs de projets.

 

Sous l’impulsion des lois Climat et Industrie verte, la reconversion des friches est désormais la clé pour limiter l’artificialisation des sols.

 

⚖️ Ce qui change depuis le 8 juillet 2024 : tout maître d’ouvrage souhaitant changer l’usage d’une friche industrielle ayant abrité une installation classée pour la protection de l’environnement doit obligatoirement :

 

🔎 Se renseigner sur l’état de la procédure de cessation d’activité
📝 Justifier ces éléments dans son dossier de permis de construire
🔬Faire réaliser des investigations par un bureau d’études certifié

 

Contrairement à nos voisins européens, la France privilégie une approche basée sur le risque selon l’usage prévu (8 types d’usages définis depuis 2023), plutôt que sur des seuils de pollution absolus. Cette approche, plus subjective et évolutive, définit un site comme « pollué » s’il présente un risque sanitaire en fonction d’un usage précis.

 

En pratique, la réglementation prévoit des parcours adaptés selon l’état de réhabilitation et la situation de l’ancien exploitant :

 

✅ Installation régulièrement réhabilitée : plan de gestion et attestation de compatibilité usage
✅ Dernier exploitant connu et existant : une procédure « tiers demandeur » est possible, mais l’exploitant reste responsable. Un accord très solide entre les parties est essentiel
✅ Dernier exploitant inconnu ou disparu : vérifications et plan de gestion exigés

 

Un point d’attention : si le site ne peut garantir la compatibilité avec un « usage sensible », le préfet doit être informé et un projet de Secteur d’Information sur les Sols (SIS) remis.

 

💡 Ces évolutions clarifient enfin les règles du jeu, mais responsabilisent davantage les maîtres d’ouvrage. L’anticipation et une approche minutieuse en amont des acquisitions deviennent cruciales pour sécuriser vos projets.

 

L’article complet est disponible ici (accès abonnés) : https://optiondroitetaffaires.optionfinance.fr/

Blaise Deltombe poursuit dans le Journal Spécial des Sociétés

📢 Blaise Deltombe poursuit son analyse dans le Journal Spécial des Sociétés, sur les bonnes pratiques pour des entretiens efficaces et équilibrés.

 

Comme Blaise Deltombe l’a évoqué dans son premier éclairage, les enquêtes internes sont aujourd’hui indispensables face aux signalements de harcèlement, discrimination ou fraude. Il insiste sur l’importance d’une analyse des risques et d’outils adaptés, tout en gardant une certaine souplesse pour garantir des procédures fiables.

 

Dans un contexte où la réglementation reste limitée, Blaise Deltombe rappelle qu’« il faut absolument éviter la confrontation entre l’accusateur et la victime » lors de l’enquête. Les entretiens doivent être menés dans le respect et l’équité, en privilégiant une démarche aussi exhaustive que possible : entendre la personne qui porte l’accusation, les témoins, puis la personne mise en cause, tout en veillant à préserver la confidentialité et la sérénité des échanges.

 

Blaise Deltombe souligne également l’importance de la loyauté et de la confidentialité dans la conduite des entretiens par les avocats, notamment grâce au secret professionnel : « Il est important de préciser que les propos recueillis lors d’un entretien sont évidemment confidentiels et qu’il n’est pas question, au cours d’un entretien futur, de s’appuyer sur ces propos en les attribuant à la personne ».

 

Enfin, il recommande à l’employeur de se faire accompagner d’un représentant du personnel lors de ces entretiens pour garantir l’objectivité et l’équilibre du processus.

 

👉 L’intégralité de l’article est disponible ici.

Blaise Deltombe pour le Journal Spécial des Sociétés

📢 Blaise Deltombe  est interrogé dans le Journal Spécial des Sociétés (JSS) sur les enquêtes internes en entreprise : entre obligation légale et enjeu stratégique.

 

Les enquêtes internes sont devenues incontournables pour les entreprises françaises face aux signalements de harcèlement, discrimination ou fraude. Ces procédures permettent de clarifier les faits et d’objectiver les situations conflictuelles. Depuis la loi Sapin 2, les entreprises de plus de 50 salariés doivent mettre en place un dispositif d’alerte interne. Comme le souligne Blaise Deltombe : « mettre en place une politique de prévention passe d’abord par une analyse des risques et une mise en place d’outils internes », incluant document unique et règlement intérieur adapté.

 

La formalisation progresse avec l’adoption de chartes et questionnaires standardisés. Mais attention à l’équilibre : si l’employeur a intérêt à créer des normes internes pour encadrer les enquêtes internes, il faut conserver une liberté d’appréciation, prévient Blaise Deltombe.

 

Les clés du succès ? Une approche graduée pour jauger du sérieux de l’alerte et évaluer si cela justifie une enquête ou mérite simplement « une bonne discussion ». Puis des questionnaires types permettant « d’avoir des séries de réponses qui permettent par le nombre de corroborer ou pas les propos accusatoires ».

 

L’absence de cadre légal strict rend ces enquêtes parfois contestables, mais jurisprudence, soft law et formation sécurisent progressivement les pratiques.

 

👉L’intégralité de l’article est disponible ici.

Réitérer un dépôt de marque : Stratégie commerciale ou dépôt de mauvaise foi ?

La cour d’appel de Paris(1°) a récemment statué sur une question qui revient régulièrement : lorsqu’une entreprise dépose une nouvelle marque très proche d’une de ses marques antérieures, déjà enregistrées, cela peut-il être considéré comme un dépôt de mauvaise foi ?

 

Les faits

La société AXAMED, devenue AXSCIENCE, a été assignée par la société AXA en contrefaçon de marques. AXA invoquait, notamment, ses marques semi-figuratives françaises n° 98760580 « » de 1998, n° 99873489 « » de 1999, n° 4206248 « » de 2015 ainsi que sa nouvelle marque n° 4555424 « » de 2019, alors non soumise à preuves d’usage.

 

Les arguments des parties

En défense, à titre reconventionnel, la société AXSCIENCE soutenait que la marque « AXA » de 2019 n’avait été déposée par la société AXA qu’aux seules fins d’échapper à l’obligation faite à tout titulaire de marque de justifier, après une période de grâce de cinq ans suivant l’enregistrement d’une marque, d’un usage sérieux de sa marque pour l’ensemble des produits et services qu’elle vise. Ce dépôt de 2019, suivant de quelques années de nombreux autres dépôts antérieurs dont celui de la marque « AXA » n°4206248 de 2015, caractérisait selon AXSCIENCE la mauvaise foi de la société AXA visant à détourner le droit des marques de sa finalité pour prolonger artificiellement sa durée de protection. Elle demandait pour cette raison la nullité de la marque « AXA » de 2019.

 

De son côté, la société AXA faisait valoir qu’elle avait procédé aux différents dépôts dans le cadre d’une stratégie commerciale visant à prendre en compte l’évolution (forme/couleur) des différents signes qu’elle utilise. Elle soutenait également que la marque « AXA » de 2019 ne désignait pas exactement les mêmes services que la marque « AXA » de 2015. Notamment, les services de « livraison de médicaments à domicile » ou d’« organisation et fourniture de services de soins médicaux ; assistance médicalisée à domicile… » couverts par la marque de 2019 n’étaient pas désignés dans les marques précédent.

 

Comment la mauvaise foi est-elle déterminée ?

Afin de déterminer si le titulaire d’une marque contestée a agi de mauvaise foi au moment du dépôt de sa demande, il convient d’effectuer une appréciation globale tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce existant au moment du dépôt de la demande d’enregistrement(2°).

 

La bonne foi est présumée jusqu’à preuve du contraire et un dépôt n’est abusif que s’il vise à obtenir un droit exclusif à des fins contraires aux fonctions essentielles de la marque, notamment en portant atteinte aux intérêts de tiers. Ainsi, pour qu’un dépôt soit considéré comme abusif, il faut prouver qu’il a été fait dans le seul but d’obtenir un avantage déloyal ou de nuire à autrui.

 

La position de la cour d’appel

La cour d’appel de Paris a confirmé la décision du tribunal judiciaire de Paris du 11 mai 2023 qui avait accueilli l’action en contrefaçon et rejeté la demande reconventionnelle de dépôt de mauvaise foi.

 

En effet, la cour d’appel a considéré que la société AXSCIENCE se bornait à effectuer des comparaisons entre la marque de 2019, prétendument déposée de mauvaise foi, et les marques antérieures « AXA » sans pour autant démontrer la mauvaise foi de la société AXA résultant de ces dépôts successifs.

 

La cour d’appel a suivi l’argumentaire de la société AXA consistant à faire valoir que le dépôt de 2019 relevait d’une stratégie commerciale visant à réunir sous cette nouvelle marque les diverses activités précédemment exercées sous les marques antérieures.

 

La cour d’appel considère que la société AXSCIENCE n’a pas réussi à démontrer que « l’enregistrement de la marque de 2019 procédait d’une intention de porter atteinte aux intérêts de tiers d’une manière non conforme aux usages honnêtes et d’obtenir un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque ».

 

A contrario, il est possible d’imaginer que, si AXA s’était contentée de redéposer strictement à l’identique ses marques antérieures, le nouveau dépôt aurait pu être considéré comme un avantage déloyal destiné à servir de base aux actions en contrefaçon sans avoir la charge d’en démontrer un usage sérieux.

 

Il est donc recommandé aux titulaires de marques de s’abstenir de redéposer strictement à l’identique leurs marques antérieures mais d’y apporter des modifications. Ces modifications, sans nécessairement être radicales, peuvent porter tant sur les produits et services désignés que sur les signes.

 

 


 

1° pôle 5, 1re chambre, 2 avril 2025, RG n° 23/10089
2° CJUE, 27 juin 2013, Malaysia Dairy, C-320/12 § 37

 

Le cabinet remercie Sofia Zaher pour sa contribution à la rédaction de cet article.

Aymeric Dégremont pour Option Droit et Affaires

📢 Aymeric Dégremont – Joffe & Associés commente dans Option Droit & Affaires le marché des acquisitions de PME en plein rebond… mais des négociations toujours sous tension.

 

Malgré la reprise des rachats d’entreprises valorisées jusqu’à 50 millions d’euros, la complexité des négociations reste d’actualité. Les discussions achoppent fréquemment sur des clauses juridiques exigeantes, telles que les compléments de prix (earn-out) et les garanties d’actif et de passif (GAP), véritables points de friction entre acquéreurs et cédants.

 

🔍 Les audits préalables, eux aussi, se sont nettement renforcés : chaque aspect financier, juridique, social, IT, compliance, est désormais passé au crible.

 

👉 Résultat : des processus plus longs, parfois décourageants pour les cédants.

 

Aymeric Dégremont rappelle que « les clauses de complément de prix étaient autrefois centrées sur la validation de prévisionnels, la confirmation d’un carnet de commandes ou le renouvellement de contrats, mais désormais, elles répondent à la succession de chocs ayant conduit à l’instabilité macroéconomique que nous connaissons. »

 

Il ajoute que « les acquéreurs nord-américains prêtent une attention quasi systématique à des thématiques que leurs homologues européens ou français détaillent moins, telles que la compliance, la cybersécurité et le RGPD. »

 

👉 En résumé : les exigences du marché des M&A PME montent d’un cran, et la vigilance est plus que jamais de mise pour réussir ses opérations.

Olivier Cavezian pour l’AGEFI

📢 Olivier Cavezian commente dans L’AGEFI l’introduction du pouvoir d’évocation souhaitée par l’Autorité de la concurrence

 

L’introduction du pouvoir d’évocation souhaitée par l’Autorité de la concurrence fait encore débat à l’issue de la consultation publique menée par cette dernière. Si ce nouveau mécanisme vise à cibler certaines opérations de concentration sous les seuils de notification, Olivier Cavezian alerte sur ses limites et les risques d’insécurité juridique.

 

🔎 Des critères à clarifier
Olivier Cavezian souligne que les critères envisagés, notamment le « risque pour la concurrence », restent trop subjectifs et risquent de fragiliser la nécessaire prévisibilité du contrôle des concentrations pour les entreprises.

 

⏳ Prévisibilité et délais
Pour garantir la sécurité juridique, il insiste sur la nécessité de fixer des critères et des délais clairs et prévisibles, en veillant à ne pas alourdir inutilement la charge de travail des entreprises et celle de l’Autorité. ​

 

⚖️ Une réforme à interroger
Selon Olivier Cavezian, si elle devait aboutir cette réforme nécessitera une nouvelle consultation avant l’entrée en vigueur des lignes directrices annoncées par l’Autorité, afin d’assurer une mise en œuvre adaptée au but poursuivi ainsi qu’aux besoins des acteurs économiques.

 

👉 L’intégralité de l’article est disponible ici pour les abonnés.

RÈGLEMENT SUR LES SUBVENTIONS ÉTRANGÈRES – BILAN ET PERSPECTIVES UN AN ET DEMI APRÈS SON ENTRÉE EN VIGUEUR

Le 12 octobre 2023 entrait en vigueur le règlement européen sur les subventions étrangères (Foreign Subsidies Regulation ; FSR) introduisant l’obligation de notifier les concentrations impliquant des entreprises ayant bénéficié de subventions étrangères, afin de permettre à la Commission européenne d’évaluer si ces dernières étaient susceptibles de porter atteinte à la concurrence au sein du marché intérieur. ¹

 

Un an et demi plus tard, la Commission européenne a rendu une seule décision dans ce cadre, publiée le 4 avril dernier ; soit deux jours après la clôture d’une consultation publique lancée par la Commission le 5 mars 2025 afin de recueillir des commentaires sur les principaux objectifs, la portée et le contexte des prochaines lignes directrices relatives à la mise en œuvre du FSR.

 

Ces deux évènements permettent de dresser un premier bilan et d’esquisser quelques perspectives concernant l’application du FSR au sein de l’Union européenne à l’avenir.

 

I – Le bilan de l’application du FSR – Focus sur la première décision rendue par la Commission européenne

 

À ce jour, plus de 140 opérations d’investissement ont été notifiées auprès de la Commission européenne au titre du FSR, couvrant un grand nombre de secteurs : l’industrie, la santé, la mode ou encore les hautes technologies.

 

L’examen de la plupart de ces opérations a été clos à l’issue d’une phase préliminaire, sans avoir fait l’objet d’une enquête approfondie, soit du fait de subventions étrangères ne dépassant pas les seuils de contrôle, soit en raison de l’absence d’éléments indiquant une distorsion de concurrence réelle ou potentielle au sein du marché intérieur. Près d’une quinzaine d’opérations sont toujours en cours d’examen préliminaire par la Commission européenne.

 

La Commission européenne a ouvert des enquêtes approfondies sur trois opérations qui lui ont été notifiées au titre du FSR, dont deux pour lesquelles les entreprises ont ensuite retiré leur notification. Aussi, ce n’est que le 24 septembre 2024 que la Commission a rendu sa première décision FSR, autorisant, sous conditions, l’acquisition des activités non-tchèques de PPF Telecom par Emirates Telecommunications Group Company PJSC (« e& »).

 

Cette décision, dont la substance avait été révélée dans un communiqué de presse publié le jour où elle a été rendue, constitue un précédent majeur quant à la manière dont la Commission entend encadrer les effets potentiels de subventions étrangères sur la concurrence au sein du marché intérieur. Après de longs mois d’attente, une version non confidentielle provisoire, de 91 pages, a été publiée par la Commission le 4 avril 2025.

 

Concrètement, la Commission a examiné les effets potentiels des subventions octroyées dans le cadre de cette opération par les Émirats arabes unis à e& et à son actionnaire, le fonds souverain EIA. En cause : une garantie illimitée de l’État, ainsi que des aides financières diverses.

 

La Commission a considéré que ces subventions n’avaient pas faussé la concurrence dans l’opération d’acquisition elle-même, e& étant le seul acquéreur potentiel et étant doté de ressources suffisantes pour réaliser l’opération, indépendamment de toute aide publique.

 

La Commission a toutefois retenu que les subventions en cause auraient pu entraîner une distorsion de la concurrence post-acquisition, en permettant à e& de bénéficier d’un avantage indu dans ses futurs investissements ou acquisitions au sein de l’Union européenne, au-delà des capacités normales d’un opérateur privé agissant selon les conditions du marché.

 

Afin de remédier à ces préoccupations de concurrence, e& et EIA ont pris des engagements substantiels, incluant :

  • la suppression de la garantie illimitée d’État par modification des statuts de e& ;
  • l’interdiction de financer les activités de PPF dans l’Union européenne, sauf dans certains cas strictement encadrés par la Commission ;
  • l’obligation d’informer la Commission de toute future acquisition, même non notifiable au titre du FSR (application anticipée de l’article 8 du règlement).

 

Dans sa décision, la Commission a conclu que l’opération ainsi modifiée ne soulevait pas de préoccupations de concurrence et l’a donc autorisée, sous réserve du respect intégral des engagements ; ceux-ci ayant été pris pour une durée de dix ans, que la Commission pourrait prolonger de cinq années supplémentaires si elle l’estimait nécessaire.

 

Cette opération, qui n’était pas notifiable à la Commission au titre du contrôle classique des concentrations, a été notifiée et autorisée au titre des règles nationales de contrôle dans plusieurs Etats membres de l’Union européenne, dont la Bulgarie et la Slovaquie.

 

II – Les grandes lignes des contributions rendues publiques par la Commission européenne le 2 avril 2025, à l’issue de sa consultation

 

La Commission européenne a par ailleurs lancé, le 5 mars 2025, une consultation publique dans la perspective de l’adoption prochaine de lignes directrices concernant la mise en œuvre du règlement européen sur les subventions étrangères.

 

Au total, une cinquantaine de contributions lui ont été adressées par une grande variété d’acteurs, européens mais aussi américains (deux contributions), chinois (quatre contributions) et même thaïlandais (une contribution) : entreprises, cabinets d’avocats, autorités publiques, institutions académiques et associations professionnelles, parmi lesquelles l’association française des Avocats pratiquant le droit de la concurrence (APDC) dont les auteurs de cette newsletter sont membres.

 

L’analyse des différentes contributions fait ressortir plusieurs axes structurants dont la Commission pourrait tenir compte pour l’élaboration de ses futures lignes directrices :

  • Exigence de sécurité juridique : Une clarification des notions clés (subvention étrangère, contribution financière, distorsion), des méthodologies d’analyse des effets de distorsion, et des seuils de notification est réclamée par les contributeurs. Une meilleure lisibilité du dispositif est jugée indispensable pour sécuriser les opérations internationales.
  • Proportionnalité des engagements : Certains contributeurs s’inquiètent d’une utilisation disproportionnée des engagements, notamment ceux imposant des obligations de transparence sur des transactions futures non notifiables (ce qui a été le cas dans la première décision rendue au titre du FSR), qui pourrait nuire à l’attractivité du marché européen.
  • Définition des subventions étrangères problématiques : Une clarification est attendue sur les types de subventions considérées comme faussant la concurrence (garanties illimitées, exonérations fiscales, prêts préférentiels).
  • Coordination avec les autres cadres réglementaires : Plusieurs contributions soulignent l’importance d’une cohérence entre le FSR, le contrôle des concentrations, le contrôle des aides d’État et les règles en matière de marchés publics, afin de garantir un traitement uniforme et équitable des opérations transfrontalières. A cet égard, l’APDC propose notamment la création d’une task force commune entre la DG COMP, en charge du contrôle des concentrations, et la DG GROW, en charge du contrôle au titre du FSR, pour améliorer la cohérence et la transparence de leurs décisions.
  • Procédure simplifiée pour les opérations peu sensibles : Une procédure allégée, inspirée du contrôle des concentrations, est suggérée pour les opérations jugées non problématiques afin de ne pas entraver inutilement l’activité économique.
  • Amélioration de la réactivité : Certains contributeurs, dont l’APDC, préconisent d’accélérer la procédure de pré-notification du FSR, en réduisant les demandes d’informations et en valorisant les données déjà transmises dans d’autres dossiers.
  • Focus sur les appels d’offres : Les contributeurs recommandent de clarifier les critères d’évaluation des offres (offres indûment avantageuses et offres anormalement basses), ainsi que de réduire les charges administratives et les délais d’enquête.
  • Focus sur le test de mise en balance : Une clarification des critères d’application est demandée, en s’appuyant sur la jurisprudence et les règles d’aides d’État de l’UE, tout en intégrant des éléments objectifs pour évaluer les effets positifs des subventions étrangères, prenant notamment en compte les impacts sur la concurrence, l’environnement, l’emploi et les objectifs stratégiques de l’UE.
  • Focus sur les seuils de notification : Deux approches s’opposent : certains contributeurs recommandent un abaissement des seuils afin de couvrir un plus grand nombre de projets stratégiques et mieux lutter contre les distorsions du marché, tandis que d’autres plaident pour une hausse des seuils ou des exemptions afin de réduire la charge administrative.

 

L’application du FSR s’annonce déjà structurante dans la régulation des investissements étrangers au sein de l’Union européenne. La décision e&/PPF en constitue un exemple emblématique (et le seul, à ce jour…) : elle illustre la vigilance de la Commission, mais également sa volonté de permettre la réalisation d’opérations économiques dès lors que des engagements adaptés permettent de prévenir les risques de distorsions de concurrence liées à l’octroi de subventions étrangères ; parallèlement au régime classique de contrôle des concentrations.

 

La rédaction des lignes directrices, dont la publication est prévue le 13 janvier 2026 au plus tard, sera une étape décisive pour sécuriser les opérateurs économiques tout en assurant une concurrence loyale dans un contexte globalisé, notamment s’il est tenu compte des propositions et commentaires formulés dans les contributions précitées. D’ici là, la Commission devrait organiser une nouvelle consultation publique sur le projet de lignes directrices, lorsque celui-ci aura été rédigé.

 

Les auteurs remercient Matilda Biviglia pour sa contribution à la rédaction de cette newsletter.

 


 

  1. Pour mémoire, les opérations de concentration doivent faire l’objet d’une notification préalable, obligatoire et suspensive à la Commission européenne au titre du FSR lorsque (i) au moins une des entreprises concernées par l’opération, établie dans l’Union européenne, génère un chiffre d’affaires total d’au moins 500 millions d’euros dans ce territoire et (ii) les parties à l’opération ont reçu de pays tiers à l’Union européenne des contributions financières excédant un total de 50 millions d’euros au cours des trois années ayant précédé la conclusion de l’accord.

La blockchain reconnue comme mode de preuve de la titularité des droits d’auteur

Le tribunal judiciaire de Marseille a reconnu, le 20 mars 2025, la valeur probante d’un horodatage Blockchain pour établir la titularité des droits patrimoniaux d’auteur, et non seulement pour déterminer la date certaine de création des œuvres inscrites.

 

La société AZ FACTORY, a ainsi prouvé ses droits sur les créations vestimentaires Hearts from Alber et Love from Alber grâce à des enregistrements effectués en mars et septembre 2021 via la solution BlockchainyourIP. Ces œuvres, créées par le célèbre créateur de mode Alber ELBAZ, bénéficient par conséquent d’une protection renforcée grâce à la Blockchain.

 

Une protection renforcée

 

Le tribunal a confirmé l’originalité des œuvres et caractérisé la contrefaçon. Il a considéré que l’horodatage Blockchain permettait d’établir la titularité des droits patrimoniaux d’auteur :

 

« En l’espèce, la titularité des droits patrimoniaux d’auteur relatifs aux vêtements Hearts from Alber et Love from Alber au profit de la société AZ FACTORY est établie par les deux constats de l’horodatage Blockchain en date des 05 mai 2021 et 15 septembre 2021. »

 

Ce système d’horodatage permet ainsi de contribuer à assurer une preuve suffisamment fiable non seulement de la date de création d’une œuvre, une utilité qui lui avait déjà été reconnue, mais aussi de la titularité des droits sur cette œuvre, ce qui représente un atout majeur pour les créateurs face aux actes de contrefaçon.

 

Un apport intéressant pour les règles d’établissement de la preuve des droits d’auteur

 

L’admissibilité de preuves issues de cette technologie semble toutefois reposer, aux termes de ce jugement, sur un faisceau d’indices, sans que l’on sache si la seule inscription dans la Blockchain aurait suffi ou non à établir la titularité des droits.

 

En effet, le tribunal a aussi précisé que les vêtements étaient commercialisés sous deux marques de l’Union européenne reproduites sur les étiquettes des vêtements et que les vêtements avaient été divulgués sur les réseaux sociaux, ce qui a contribué à déterminer la titularité des droits.

 

En établissant la titularité des droits d’auteur grâce à la Blockchain mais aussi grâce à d’autres éléments de preuve, ce jugement ne permet pas encore de faire de l’inscription d’une création dans la Blockchain une preuve « reine ».

 

Décision du tribunal judiciaire de Marseille, 20 mars 2025, RG n° 23/00046 sous ce lien

 


Article par Véronique Dahan, Jérémie Leroy-Ringuet, Charlotte Gauvin et Carla Notarianni.