Pony lève 6 millions d’euros pour le développement de son offre de free floating

Retrouvez le post original du compte Linkedin de Pony juste ici.

 

La société Pony, qui offre des vélos et des trottinettes électriques haut de gamme en libre service, disponibles à la location directement depuis un smartphone, annonce une levée de près de 6 millions d’euros dans le but de proposer des solutions intelligentes et innovantes, pour éviter les erreurs qu’ont connu certaines villes.

 

 

Fondée en 2017 à Oxford par un couple de Français (Clara Vaisse et Paul-Adrien Cormerais), cette start-up s’est vite relocalisée en France (plus précisément à Angers) , et est aujourd’hui la seule entreprise Française à proposer des vélos et des trottinettes électriques en free floating (Le free-floating est une forme de mobilité partagée qui consiste à laisser à disposition du public un véhicule sans que celui-ci ne soit rattaché à une station ou une borne).

 

Pour son second tour de table, et dans le cadre du développement de sa solution, l’entreprise Angevine (conseillée par Joffe & Associés) annonce une levée de fonds de près de 6 millions d’euros. La société lève en effet 4,5 M€ auprès de nouveaux entrants : Épopée Gestion et Aquiti Gestion. Ils sont accompagnés par leurs investisseurs historiques Demeter Investment Managers, arrivé lors du premier amorçage de 2,2 M€ en 2019. Le montant est aujourd’hui à hauteur de 6 millions d’euros, par de la dette souscrite auprès d’un pool de partenaires bancaires composé de BNP Paribas, CIC et BPRI.

 

Paul-Adrien Cormerais, co-fondateur de Pony, explique que « sur notre marché, nous estimons que nous pouvons franchir la barre des 100 M€ de chiffre d’affaires après les élections municipales de 2026 ». Actuellement, la société compte une trentaine de salariés, permettant à celle-ci de fournir plus de 15 villes partenaires pour plus de 500000 utilisateurs en France.

 


 

Joffe & Associés conseille la société OSO-AI dans le cadre de sa seconde levée de fonds

Retrouvez l’article original de « L’usine Digitale » ici.

 

La société Brestoise OSO-AI, est parvenu à lever près de 10 millions d’euros, dans le cadre du développement de son oreille augmentée, qui alerte les soignants lors d’un bruit inquiétant dans la chambre d’un patient. Par le biais de cette nouvelle opération, la start-up brestoise entend accélérer le déploiement commercial de sa solution, en France comme à l’étranger. 

 

 

Afin de répondre à la forte demande, la société annonce une levée de fonds de près de 10 millions d’euros, auprès d’actionnaires historiques conseillés par Joffe & Associés, que sont Innocavom, Novinvest Partners et Breizh-up, rejoints par Cemag Invest Partners. Cette opération fait suite à un premier tour de table de 4 millions d’euros, datée de septembre 2020.

 

Oso-Ai a développé un système de prévention, basé sur des algorithmes ayant la capacité de reconnaitre plus d’une centaine de sons et de bruits classes, (chutes, gémissements, des chocs, la respiration, des pas …). Équipé de micros et de capteurs, ce boîtier mural analyse l’environnement sonore d’une personne vulnérable et génère une notification sur une application mobile, dont est équipé le personnel soignant, si ce boitier témoigne d’une situation anormale ou préoccupante.

 

Plus d’une vingtaine d’EHPAD et d’établissements de santé, sont aujourd’hui équipés du boitier de OSO-AI. Olivier Menut, co-président et co-fondateur d’Oso-Ai, exprime que : « Nous sommes dans une dynamique positive qu’il va falloir soutenir. Nous avons près de 1000 dispositifs installés en France et tablons sur près de 3000 d’ici à la fin de cette année ». Mais la société compte aussi s’ouvrir à un marché : les personnes fragiles résidant à domicile, en B2B2C via des partenaires.

 

« Faire émerger sur le territoire, des acteurs forts et ambitieux qui auront un impact économique et social pour la Bretagne de demain est l’un des objectifs de Breizh Up. Par la force de sa solution de rupture dans le domaine de l’IA pour l’analyse du son, la qualité de ses équipes, la profondeur de son marché, la portée responsable de sa solution qui permet une amélioration de la qualité des soins, et de la qualité de travail du personnel soignant, en réduisant son stress et en lui permettant de se concentrer sur son métier, nous sommes très fiers d’accompagner le développement de cette emblématique startup finistérienne soutenue depuis sa création par le dynamisme de tout un écosystème local »,exprime Stéphane Lefevre-Sauli, directeur d’investissement de UI Investissement et en en charge de la gestion de Breizh Up.

 

 


 

 

 

QUEL DROIT D’AUTEUR SUR (ET CONTRE) LES CRÉATIONS DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ?

Retrouvez l’article original de « Village de la Justice », rédigé par Véronique Dahan et Jérémie Leroy-Ringuet ici.

 

 

Chat-GPT, Dall·E 2, Stable Diffusion… Les créations de l’intelligence artificielle sont-elles des œuvres protégeables ? Qui pourrait prétendre en être l’auteur ? Mais surtout, les auteurs d’œuvres préexistantes ont-ils des droits contre l’utilisation de leur style et de leurs œuvres par l’IA ?

 

 

L’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) par les entreprises, en particulier pour leur communication, est de plus en plus répandue. Des logiciels tels que Stable Diffusion, Midjourney, Craiyon, mais surtout Dall·E 2, développé par OpenAI et lancé en janvier 2022, permettent de créer des images à partir d’instructions en langage naturel (le « text-to-image »). Il est également possible de créer de la musique ou du texte de la même manière, par exemple en demandant à un logiciel de rédiger une description d’un paysage de fjords au coucher du soleil, avec des outils tels que le robot Chat-GPT, lancé en novembre 2022 par OpenAI.

 

Au-delà de leur aspect ludique, les applications artistiques ou professionnelles possibles de ces logiciels sont assez variées : illustration d’un article, création de marque, de logo, de slogan, de jingle, de textes pour un site Internet, pour un support publicitaire ou pour un post sur les réseaux sociaux, etc., et bientôt peut-être des œuvres littéraires complexes ou des films. Les artistes s’en sont emparé pour développer une forme d’art appelé l’Art IA, le Prompt Art ou encore le GANisme (en référence aux réseaux antagonistes génératifs ou Generative Adversarial Networks) et, parfois, en transformant en NFT les résultats obtenus [1].

 

L’IA peut donc être d’une aide significative, que ce soit en fournissant des contenus prêts à emploi ou de simples idées de départ à développer par des moyens « humains » ou en utilisant d’autres logiciels plus « traditionnels ». L’image, le texte ou le groupe de mots obtenu avec une économie de temps et d’efforts peut ainsi être retravaillé et perfectionné, les résultats obtenus étant encore aujourd’hui parfois imparfaits.

 

Pour produire une image sur commande, un logiciel a besoin d’être nourri en images préexistantes et en métadonnées sur ces images (ce qu’on appelle le « deep-learning »).
Par exemple, pour pouvoir créer une image de Mona Lisa dans le style de Van Gogh, le logiciel doit avoir été nourri 1° d’images reproduisant la Joconde de Léonard de Vinci, 2° de l’information que ces images représentent Mona Lisa, 3° d’images de tableaux de Van Gogh et 4° de l’information que ces images représentent des tableaux de Van Gogh. Plus le logiciel dispose d’informations fiables, plus le résultat sera probant :

 

(Image créée avec Stable Diffusion.)

 

 

Il serait également possible, par exemple, de créer des images n’incorporant pas d’œuvres préexistantes mais se référant d’une manière générale au style d’artistes dont les œuvres sont soit dans le domaine public soit encore protégées (c’est-à-dire dont l’auteur est vivant, ou est mort depuis moins de soixante-dix ans), comme l’image d’une sculpture dans le style de Jeff Koons.

 

Le même principe vaut pour les textes : si l’on demande à un générateur de textes de créer un dialogue à la manière de Shakespeare entre deux avocats fiscalistes qui se rencontrent devant une bouche du métro londonien et parlent du Brexit, le texte reproduira les archaïsmes anglophones typiques du théâtre élisabéthain.

 

Comme toute nouveauté technologique, l’utilisation de ces logiciels soulève de nombreuses questions juridiques.
L’objet de cet article est de répondre en particulier à la question centrale qui est : à qui appartiennent les droits (s’ils existent) sur les contenus générés par l’IA ?

 

En droit français, une œuvre est protégeable si elle est originale. L’originalité est définie comme révélant l’empreinte de la personnalité de l’auteur, qui ne peut être qu’un être humain. Il faut donc déterminer qui est l’auteur, ou qui sont les auteurs d’une image ou d’un texte créés via une instruction donnée à un logiciel. Il faut aussi déterminer qui peut en être titulaire des droits puisqu’une personne qui n’est pas l’auteur peut être, par l’effet de la loi, du contrat ou par présomption, titulaire des droits d’exploitation de l’œuvre.

 

Dans le processus qui nous a permis de créer une version de la Joconde de Vinci dans le style de Van Gogh, plusieurs personnes pourraient, volontairement ou non, avoir contribué à la création de l’image (en être auteurs ou coauteurs) ou être titulaires des droits :

  • Les auteurs des œuvres préexistantes, c’est-à-dire Léonard de Vinci et Vincent Van Gogh,
  • Nous-mêmes, lorsque nous avons donné comme instruction au logiciel : « Mona Lisa dans le style de Van Gogh »,
  • L’auteur du logiciel Stable Diffusion et la société exploitant le site Stable Diffusion.

 

Les droits des exploitants des logiciels (Stable Diffusion, Dall·E 2, Midjourney…).

 

Les entités exploitant les sites de Stable Diffusion, Dall·E 2, etc. revendiquent dans leurs conditions générales leur titularité sur les droits afférents à leurs logiciels. Ils sont donc en mesure d’autoriser ou d’interdire l’usage que les internautes font de leurs logiciels.

 

Ces logiciels contribuent au processus permettant d’obtenir des textes et images inédites, dans la mesure où ce sont ces générateurs d’images qui, dans notre exemple, ont sélectionné une atmosphère nocturne bleutée avec les spirales de La nuit étoilée plutôt que, par exemple, le décor vert et jaune de Champ de blé avec cyprès qui aurait également et peut-être mieux convenu. On peut aussi remarquer que le logiciel a choisi de relever le bras droit de Mona Lisa comme dans L’Arlésienne (Madame Ginoux) ou dans Portrait du Dr Gachet, et de la faire assoir sur une chaise qui évoque par sa couleur et la forme de ses ornements La chaise de Gauguin.

 

Nous ne sommes pas dans la situation d’une participation purement passive (comme le serait celle d’un pinceau pour un peintre ou d’un logiciel de traitement de texte pour un écrivain) : c’est précisément la part d’« autonomie » des logiciels d’IA qui jette le trouble dans la conception traditionnelle du droit d’auteur. Néanmoins, la contribution du logiciel se fait de manière automatisée et, à notre sens, l’usage technique d’un logiciel pour créer une image ou un texte ne donne au propriétaire du logiciel aucun droit sur l’image ou sur le texte : en l’absence d’une intervention humaine sur le choix des couleurs et des formes, aucun droit d’auteur ou de coauteur ne peut être revendiqué au nom de l’exploitant du logiciel.

 

Les conditions d’utilisation de ces générateurs de textes et d’images le confirment. Dans le cas de Dall·E 2, les Terms of use prévoient expressément qu’OpenAI transfère à l’utilisateur tous les droits sur les textes et les images obtenus et demande même que le contenu soit attribué à la personne qui l’a « créé » ou à sa société.
Stable Diffusion fait de même en octroyant une licence de droits d’auteur perpétuelle, mondiale, non exclusive, gratuite, libre de redevances et irrévocable pour tous types d’usage, y compris commercial. Mais en l’absence, selon nous, de tout droit transférable, ces dispositions nous semblent constituer de simples précautions.

 

D’autres sites comme Craiyon ne prévoient pas de cession de droits au bénéfice de l’utilisateur sur les résultats obtenus mais encadrent seulement l’usage du logiciel, en prévoyant des licences spécifiques dans le cas d’usages commerciaux des images créées. Le caractère payant de ces licences dépend notamment du chiffre d’affaires de la société utilisant les images créées sur son site. On comprend qu’il s’agit davantage pour Craiyon de monétiser l’usage d’un logiciel qui a représenté un investissement pour la société que de déterminer les contours d’une cession de droits d’auteur.

 

Il est donc essentiel, pour toute personne qui souhaite utiliser, à titre commercial ou non, les images créées via des outils d’IA, de vérifier si la société exploitant le site où il les crée lui en donne les droits et à quelles conditions, même s’il ne s’agit pas de conditions relatives à la titularité de droits sur les contenus.

 

 

Les droits de la personne qui utilise le logiciel.

Dès lors que l’apport créatif de la personne qui donne des instructions au générateur d’images ou de textes est limité à la production d’une idée mise en œuvre par le logiciel, et que les idées ne sont pas protégeables par le droit d’auteur, il est douteux que la qualité d’auteur soit reconnue à cette personne.

 

C’est d’autant plus vrai que, lorsqu’une instruction est donnée au logiciel, le résultat de la mise en forme de l’instruction est inconnu tant qu’il n’apparaît pas à l’écran, et que même des instructions très précises peuvent donner des résultats très variés – comme ce serait d’ailleurs le cas si l’on donnait ces instructions à des êtres humains. Puisque l’utilisateur du logiciel ne conçoit pas mentalement, à l’avance, l’image obtenue, il est difficile d’avancer que cette image porte « l’empreinte de sa personnalité ».

 

C’est particulièrement évident dans le cas d’instructions succinctes ou comprenant des termes abstraits.
Ainsi, les résultats obtenus par nous sur Dall·E 2 en donnant comme instruction « l’insoutenable légèreté de l’être » ont pu présenter des images, certes évoquant la légèreté, mais aussi différentes visuellement – et donc inattendues et déconnectées de nos « personnalités » – que les suivantes :

(Images créées avec Dall·E 2)

 

 

Mais surtout, on pourrait aller jusqu’à dénier la qualification d’œuvre de l’esprit aux images et aux textes créés par l’IA. En effet, si le code de la propriété intellectuelle (CPI) ne définit pas ce qu’est une œuvre, il n’accorde la protection du droit d’auteur qu’à des « œuvres de l’esprit » créées par des humains. Faute d’action positive créatrice de la part d’un humain entre le moment où les instructions sont données et celui où les résultats apparaissent à l’écran, on pourrait avancer qu’aucun « esprit » n’est mobilisé, donc qu’aucune « œuvre de l’esprit » protégeable par le droit d’auteur n’est créée. Pour cette raison, les auteurs de ces logiciels et les sociétés les exploitant ne pourraient pas prétendre à la qualité d’auteur ou de coauteur.

 

S’ils ne sont pas des « œuvres de l’esprit », les textes et images créés par l’IA seraient alors des biens immatériels de droit commun comme peuvent l’être des créations non originales. Ils sont appropriables non pas par le droit d’auteur (du seul fait de leur création, article L. 111-1 du CPI) mais par la possession (article 2276 du code civil) ou par le contrat (conditions générales octroyant la propriété à l’utilisateur).

 

Il s’agit alors de créations libres de droit, appartenant au domaine public alors même qu’elles auraient pu être considérées comme originales et protégeables si elles avaient été créées de la main de l’homme.
Cela fait écho à d’autres types d’« œuvres » sans auteur comme les peintures du chimpanzé Congo ou les célèbres selfies pris en 2008 par un macaque. Les juridictions américaines avaient décidé que l’autoportrait réalisé par un singe qui s’était emparé d’un appareil photo et avait déclenché l’obturateur n’était pas une œuvre protégeable puisqu’il n’a pas été créé par un humain, sujet de droits.
Si la question s’était présentée devant un tribunal français, celui-ci aurait très certainement jugé que ce selfie n’est même pas une « œuvre de l’esprit » au sens du CPI.

 

En revanche, dès lors que le résultat obtenu est retravaillé et qu’un apport personnel formel transforme ce résultat, la qualification d’œuvre de l’esprit peut être retenue, mais uniquement en raison de la modification originale apportée au résultat produit par le logiciel. Ce cas de figure est d’ailleurs prévu dans la Sharing & Publication Policy de Dall·E 2 qui demande à ses utilisateurs qui modifieraient les résultats obtenus de ne pas les présenter comme ayant été entièrement produit par le logiciel ou entièrement produit par un être humain, ce qui est davantage, de sa part, une règle éthique, de transparence, qu’une exigence juridique.

 

L’Office américain du Copyright [2] a récemment publié des lignes directrices en ce sens, avec une portée clairement juridique : il annonce qu’il refusera la protection pour les contenus, ou les parties d’œuvres créés exclusivement par l’IA et ne l’accordera éventuellement que pour les éléments sur lesquels un être humain est intervenu [3].

 

 

Les droits des auteurs des œuvres préexistantes.

 

En droit français, une œuvre nouvelle qui incorpore une œuvre préexistante sans la participation de son auteur est dite « composite » [4]. Si les œuvres préexistantes sont dans le domaine public, comme celles de Vinci et de Van Gogh, leur libre utilisation est permise (sous réserve de l’éventuelle opposition du droit moral par les ayants droit). En revanche, incorporer sans autorisation une œuvre préexistante toujours protégée constitue un acte de contrefaçon.

 

Dans notre exemple, nous considérons que la Mona Lisa dans le style de Van Gogh ne peut pourtant pas être qualifiée d’œuvre composite puisqu’elle ne peut pas être une « œuvre de l’esprit ». Cela ne veut pourtant pas dire que les auteurs d’œuvres préexistantes ne disposent pas de droits sur, ou contre, les textes ou images créées en réutilisant leurs styles ou leurs œuvres.

 

En effet, si l’on remplace notre Joconde par une image obtenue, par exemple, en entrant les instructions : « Guernica de Picasso en couleurs », on obtiendra une image qui intègre et modifie une œuvre préexistante. Or les œuvres de Picasso ne sont pas dans le domaine public. Les ayants droit du peintre disposent donc de droits sur l’image qui serait ainsi créée. Ils doivent pouvoir autoriser ou interdire non seulement l’exploitation de l’image obtenue et en demander la destruction, mais peut-être aussi interdire ou autoriser l’usage des œuvres de Picasso par le logiciel – qui, rappelons-le, puise dans sa « connaissance » d’un nombre d’images considérable, comprenant nécessairement les reproductions des œuvres de Picasso, pour répondre aux instructions qui lui sont données.

 

La production et la publication par un utilisateur d’un « Guernica en couleurs » pourrait donc constituer une contrefaçon ; mais l’intégration de Guernica dans la base de données du logiciel pourrait également, à elle seule, constituer un acte contrefaisant.

 

En effet, les sites proposant des générateurs d’images par IA nourries d’œuvres protégées pourraient théoriquement se voir considérées comme contrefacteurs par le CPI qui sanctionne le fait « d’éditer, de mettre à la disposition du public ou de communiquer au public, sciemment et sous quelque forme que ce soit, un logiciel manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d’œuvres ou d’objets protégés » [5].
Le caractère « manifeste » de la mise à disposition, et la qualification de « mise à disposition » elle-même, pourraient être discutés.

 

Mais c’est surtout la directive 2019/790 du 17 avril 2019 qui vient en aide aux exploitants de générateurs d’images et de textes en offrant une sécurisation de leur usage d’œuvres préexistantes protégées.
La directive a imposé une harmonisation européenne de l’exception de « fouille de textes et de données » (text and data-mining, articles 3 et suivants). Elle encadre l’exploitation à toutes fins, y compris commerciales, d’œuvres protégées pour en extraire des informations, notamment dans le cas des générateurs de textes et d’images. Mais la directive prévoit également une possibilité pour les titulaires de droits sur ces œuvres d’en autoriser ou interdire l’usage, hors finalités académiques. Une telle autorisation peut difficilement être préalable et les exploitants, OpenAI, par exemple, mettent donc en place des procédures de signalement de création de contenu contrefaisant (article 3d des conditions générales d’OpenAI). Mais les artistes se plaignent déjà de la complexité qu’il y a à obtenir un tel retrait alors qu’ils font face à une profusion d’images imitant leur style, certains ayant remarqué qu’Internet proposait davantage d’images créées par IA imitant leur style que d’images de leurs propres œuvres [6].

 

Les exploitants de ces logiciels pourraient donc se voir condamner pour contrefaçon, éventuellement sur le fondement de l’article L335-2-1 du CPI, lorsque les titulaires de droits sur des œuvres ont demandé leur retrait et que les exploitants ne se sont pas exécutés. Ils pourraient avoir à indemniser les utilisateurs des textes et images ainsi produits puisque ces derniers ne sont pas censés savoir si un titulaire a fait valoir son droit d’« opt-out ».

 

Le risque représenté par l’incorporation d’œuvres préexistantes a ainsi été anticipé et assumé par certains acteurs comme Adobe qui envisage d’indemniser ses clients ayant acheté des images créées par IA, en cas de réclamation des auteurs ou des ayants droit [7].

 

L’imitation du style des auteurs d’autres œuvres préexistantes : un acte contrefaisant ?

 

Les auteurs d’œuvres préexistantes peuvent subir un préjudice du fait de la multiplication de textes imitant leur style ou d’images représentant des « œuvres » qu’ils auraient pu concevoir mais qu’ils n’ont pas créées, comme notre Joconde imitant le style de Van Gogh, que Van Gogh n’a jamais peinte. Les artistes ainsi imités se mobilisent d’ailleurs en lançant des mots d’ordre du type #SupportHumanArtists. Sur quel fondement pourraient-ils s’opposer à la création de ce type de contenus et quels risques y a-t-il à produire de tels textes ou images ?

 

Le fondement du faux artistique semble à écarter.
Les faux artistiques sont sanctionnés en droit français par la loi « Bardoux » du 9 février 1895, toujours en vigueur. Ils se distinguent des contrefaçons au sens du CPI en ce qu’ils ne sont pas la reproduction non autorisée d’une œuvre préexistante et protégée mais l’imitation d’un style, afin d’attribuer à un auteur une œuvre qu’il n’a pas créée, ou d’associer son style avec une œuvre dont la valeur marchande est bien inférieure à celle d’une œuvre de la main de l’auteur.

 

Mais à strictement parler, l’image d’un ballon 3D qui imite le style de Jeff Koons, ou celle d’un tableau à la manière de Frida Kahlo ne sont pas des faux artistiques puisqu’elles sont seulement la représentation numérique d’un faux qui n’existe pas dans la réalité. Or les photographies ne sont pas concernées par la loi du 9 février 1895. Mais surtout, la qualification de faux artistique est exclue car le texte de loi, de nature pénale et donc d’interprétation stricte, réprime l’apposition d’un nom usurpé sur une œuvre ainsi que l’imitation de la signature de l’auteur. Il n’interdit donc pas la fabrication d’images « à la manière de ».

 

La contrefaçon est également un fondement imparfait. En toute rigueur, produire l’image d’un ballon « dans le style de » Jeff Koons en le présentant comme tel pourrait ne pas constituer une contrefaçon puisque cette image ne reproduit pas celle d’une œuvre préexistante.
L’œuvre créée « à la manière de » ne constitue donc ni un faux artistique ni une contrefaçon [8]. Il n’y a donc contrefaçon que s’il y a « non pas simplement imitation des procédés, du genre ou du style d’un artiste, mais copie d’une œuvre déterminée de cet artiste » [9].

 

Ainsi, comme le rappelle la professeure Alexandra Bensamoun [10], le fondement le plus indiqué nous semble être celui du droit commun, de l’article 1240 du code civil, sur lequel un tribunal pourrait condamner les « créateurs » de ces textes et images imitant le style d’auteurs vivants à réparer le préjudice moral qu’ils ont subi, voire un préjudice économique dans des cas spécifiques d’usage parasitaire du style d’un auteur d’œuvres protégées.

 

 

Conclusion.

 

On le voit, l’irruption des créations de l’IA perturbe le droit de la propriété intellectuelle, dont les outils sont insuffisants pour répondre aux questionnements suscités. Mais les interrogations ne sont pas que juridiques. L’IA est aujourd’hui capable de battre des champions du monde d’échecs ou de go.
On peut imaginer que l’IA permettra un jour de produire de « fausses » sculptures de Camille Claudel, en s’adjoignant la technologie de l’impression 3D, ou encore de faire écrire à Rimbaud ou à Mozart des poèmes et des symphonies d’un niveau artistique approchant ou équivalent, qu’ils auraient pu écrire s’ils n’étaient pas morts si jeunes. Un avenir possible de l’art pourrait être dans la déshumanisation de la création, ce qui non seulement rendrait indispensable une modification du premier livre du CPI (ce qui pourrait se produire sous l’impulsion du règlement européen en discussion sur l’IA, l’« AI act » [11]) mais susciterait en outre des questionnements éthiques.
Si le public prend autant de plaisir à lire un roman écrit par une machine ou à admirer une exposition d’œuvres picturales créées par un logiciel [12], les professions artistiques survivront-elles à cette concurrence ?

 


Notes de l’article:

[1« Intelligence artificielle : ces artistes qui en font leur big data », Libération, 30 décembre 2022.

[4Article L. 113-1 du CPI

[5Article L. 335-2-1

[6« Illustrateurs et photographes concurrencés par l’intelligence artificielle : ‘‘Il n’y a aucune éthique’’ », Libération, 29 décembre 2022

[8Laurent Saenko et Hervé Temime, Quel droit pénal pour le marché de l’art de demain ?, AJ Pénal 2020, p. 108 ; Christophe Caron, Droit d’auteur – la « contrefaçon hommage », Communication Commerce électronique n° 7-8, juillet 2021.

[9Cour d’appel de Paris, 9 juin 1973, JCP 1974, II. 17883.

[10« Intelligence artificielle : ‘‘Le droit d’auteur protège une création précise, mais pas une manière de créer’’, Libération, 31 décembre 2022, interview par Clémentine Mercier.

Hinfact décolle grâce à une levée de fonds de 4 millions d’euros

Retrouvez l’article original ici.

 

La start-up toulousaine Hinfact, proposant aux centres de formation des pilotes de ligne une solution d’analyse poussée, a bouclé sa première levée de fonds près de de 4 millions d’euros, dans le cadre de l’accélération de la commercialisation de ces solution, et d’étendre celles-ci à de nouveaux secteurs tels que l’armée, le nucléaire ou la santé.  

 

Après avoir validé sa technologie, et convaincu ses premiers clients, Hinfact annonce, ce 12 avril 2023, une première levée de fonds de 4 millions d’euros. Un mix entre dettes et fonds propres auquel la société de capital risque Innovacom, conseillée par Joffe & Associés, a participé à hauteur d’1,5 million d’euros, qui mobilise d’ailleurs son fonds « early-stage » Technocom 3, ainsi que par plusieurs business angels.  L’objectif est simple : accélérer le développement industriel et commercial de ses solutions, et étendre sa technologie à d’autres secteurs diversifiés.

 

Hinfact travaille avec des centres de formation de compagnies aériennes du monde entier. Sa technologie, à la pointe de la recherche en neurosciences, se base sur des neurotransmetteurs et stimulateurs appliqués aux pilotes, qui visent à améliorer la sécurité des vols à travers trois axes : la formation des pilotes, la conception des aéronefs et les opérations aériennes. Ainsi, la start-up Toulousaine, propose ainsi un outil permettant de récupérer, d’analyser et d’interpréter les données de pilotages et les données oculaires des pilotes au sein des  stimulateurs dans le but de détecter de manière objective les axes d’amélioration de ceux-ci. Une solution proposée et commercialisée depuis mars 2022, et qui devrait accélérer en 2023, avec notamment le doublement de l’effectif de l’entreprise, constituée aujourd’hui d’une dizaine d’effectifs. 

 


 

J&A de nouveau classé en Droit Social par Leaders League

Décideurs Magazine (Leaders League) a publié son classement des cabinets d’avocats pour la pratique « Droit social – Restructurations, plans sociaux et contentieux associés.

 

L’équipe « Social » de J&A est à nouveau reconnue pour son expertise ! 🏆

 

✅Droit social : négociations collectives et relations sociales : forte notoriété | Blaise Deltombe et Géraldine Lepeytre

✅Droit social : contentieux individuel à risques : forte notoriété | Blaise Deltombe et Géraldine Lepeytre

 

Bravo à toute l’équipe : Géraldine LepeytreBlaise DeltombeFanny Plaut-Pierson, Marianne FourrierSara Belliot et Najat Atchane  ! 🎉

 

 

Pricemoov réalise un tour de table de 10 millions de dollars

La société Pricemoov, basée à Paris, a annoncé mercredi qu’elle avait levé 10 millions de dollars (environ 9,1 millions d’euros) lors d’un tour de table de série A, mené par ISAI et Bpifrance Digital Venture.

 

Une société à l’ascension fulgurante

 

Aujourd’hui, avec l’inflation, les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et la volatilité des coûts, les clients et consommateurs s’attendant à une certaine transparence avec les entreprises, sur tous les canaux ;  celles-ci doivent examiner attentivement leurs stratégies de tarification pour s’assurer qu’elles restent compétitives, tout en réalisant des bénéfices. C’est là que Pricemoov intervient.

 

En 2018, Pricemoov avait deja réalisé une levée de fonds de près de 2 M€ auprès de Global Founders Capital, Kima Ventures et Financière Saint James. A cette époque, cet éditeur d’une solution de tarification dynamique multisectorielle revendiquait environ une dizaine de clients. Si la société demeure discrète aujourd’hui sur le nombre d’utilisateurs, PME et ETI confondues, « elle a su attirer de belles références, notamment aux États-Unis, où elle s’est implantée depuis près de deux ans, le dirigeant Pierre Hébrard s’étant installé sur place », affirme François Colletpartner au sein d’Isai.

 

 

De solides investisseurs

 

ISAI Gestion, société de gestion agréée par l’AMF avec plus de 500 M€ sous gestion, a pour objectif de financer et d’accompagner des entreprises technologiques à fort potentiel en phase d’amorçage/post-amorçage ou lorsqu’elles ont déjà atteint le seuil de rentabilité. « Nous sommes impressionnés par l’expertise de Pricemoov en matière de prix et par les capacités de sa plateforme, et nous pensons que la société est bien positionnée pour accélérer sa croissance sur ce marché prometteur », déclare François Collet. « Nous sommes impatients de travailler en étroite collaboration avec l’équipe dirigeante de Pricemoov pour continuer à repousser les limites de la tarification », ajoute t-il.

 

Bpifrance Digital Venture finance les entreprises à tous les stades de leur développement avec des crédits, des garanties et des fonds propres. Outre l’investissement, la société de capital-risque propose également des services de conseil, de formation, de mise en réseau et un programme d’accélération pour les startups, les PME et les entreprises de taille intermédiaire.

 

« Nous pensons que Pricemoov a l’opportunité d’apporter une tarification intelligente aux entreprises à n’importe quel stade de leur maturité tarifaire avec une plateforme intuitive et facile à utiliser », déclare Adrien Neel, Directeur d’investissement chez Bpifrance Digital Venture.

 

 

Entre 5 et 10 millions de revenus 

 

Le fonctionnement de Pricemoov réunit plusieurs sources de données de la société, comme son catalogue de produits, ses stocks, ses données transactionnelles, en se connectant à ses ERP et CRM, et s’adapte en temps réel aux besoins de l’entreprise. L’outil permet ainsi à l’utilisateur de simuler l’impact de l’évolution des prix sur ses revenus, mais aussi de comparer les différents scénarios envisagés, avant la prise de décision. L’entreprise française y parvient en s’appuyant sur la science des données, l’automatisation de bout en bout et une expérience utilisateur intuitive.

 

Pricemoov affirme avoir enregistré une augmentation annuelle de 150 % de son chiffre d’affaires et avoir augmenté sa base de clients de 200 %, y compris les nouveaux clients Jokr, Recommerce, Samkaup et Audi.

 

La plus grosse source de revenus pour l’entreprise, estimés entre 5 et 10 M€, reste la vente de la solution, par une source proche du dossier, qui mise également sur des prestations de services comme le paramétrage de l’architecture tarifaire. La société s’appuie aujourd’hui sur un effectif de plus de 40 salariés.

 

 


 

  • Acquéreur ou Investisseur : ISAI , François Collet , BPIFRANCE INVESTISSEMENT , Adrien Neel , SOCIETE FINANCIERE SAINT JAMES
  • Société Avocat d’Affaires Corporate : GIDE , Pierre Karpik
  • Acquéreur Avocat Corporate : JOFFE & ASSOCIES (Thomas Saltiel et Rudy Diamant)
  • Acq. DD Financière2 : CFINANCE , Jacques Haccoun , Julien Solyjan , Lucas Gauthier
  • Acq. Conseil Environnement, DD ESG : COLLECTIVELY.LIFE
  • Levée de Fonds Conseil / Agent : ALPHA CAPITAL PARTNERS

JOFFE & ASSOCIÉS SE DISTINGUE DANS LE CLASSEMENT LEGAL 500 DE 2023

Le classement de The Legal 500 (Legalease) est en ligne : Joffe & Associés se distingue de nouveau au travers de ses pratiques ! 🏆

 

Bravo à Alvyn GOBARDHAN et Justine Blanc-Deleuze pour leur entrée au rang de « Rising Star », respectivement dans les pratiques « INDUSTRY FOCUS : LUXURY GOODS » et « PRIVATE EQUITY : FUND FORMATION ».

 

Un grand bravo également à Emilie de Vaucresson, dont la pratique « INDUSTRY FOCUS / IT AND INTERNET » a été reconnue comme « Firm to Watch » !

 

Tier 1 :
– INDUSTRY FOCUS : LUXURY GOODS : Thomas LepeytreVéronique Dahan & Alvyn GOBARDHAN
– MEDIA AND ENTERTAINMENT : SPORTS Romain Soiron & Alvyn GOBARDHAN

 

Tier 3 :
– ADMINISTRATIVE AND PUBLIC LAW : Mathieu Gaudemet & Marie-Alix Mallet
– INTELLECTUAL PROPERTY : COPYRIGHT : Véronique Dahan & Emilie de Vaucresson
– INTELLECTUAL PROPERTY : TRADE MARKS AND DESIGNS : Véronique Dahan & Emilie De Vaucresson

– PRIVATE EQUITY : FUND FORMATION : Olivier Dumas & Justine Blanc-Deleuze
– PRIVATE EQUITY : VENTURE/GROWTH CAPITAL : Thomas Saltiel,
Virginie Belle (Barone)Aymeric Dégremont, Romain Soiron
Christophe Joffe

 

Tier 4 :
– DISPUTE RESOLUTION : COMMERCIAL LITIGATION : Fabrice Hercot
Stephanie Milano & Tehani Goy
– EMPLOYMENT : Blaise Deltombe et Géraldine Lepeytre
– EU, COMPETITION AND DISTRIBUTION : Olivier CAVEZIAN

– PRIVATE EQUITY : LBO : Thomas Saltiel, Virginie Belle (Barone), Aymeric Dégremont, Romain Soiron & Christophe Joffe

 

Tier 6
– MERGERS AND ACQUISITIONS : Thomas Saltiel, Virginie Belle (Barone), Aymeric Dégremont, Romain Soiron, Thomas Lepeytre

 

 

ChatGPT, Midjourney, Flow Machines … : quel droit d’auteur sur les créations des IA génératives ?

Face à la déferlante des IA créatives et génératives, le droit d’auteurs est quelque peu déstabilisé sur ses bases traditionnelles. La qualification d’« œuvre de l’esprit » bute sur ces robots déshumanisés. Le code de la propriété intellectuelle risque d’en perdre son latin, sauf à le réécrire.

 

L’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) par les entreprises, notamment en communication, est de plus en plus répandue. Des logiciels tels que Stable Diffusion, Midjourney, Craiyon, ou encore Dall·E 2 permettent de créer des images à partir d’instructions en langage naturel (le «text-to-image »). Il est également possible de créer du texte avec des outils tels que le robot conversationnel ChatGPT lancé en novembre 2022 par OpenAI (1), voire de la musique avec Flow Machines de Sony (2).

 

 

Flou artistique sur le droit d’auteur

 

Les usages sont assez variés : illustration d’un journal, création d’une marque, textes pour un site Internet, un support publicitaire ou pour un post sur les réseaux sociaux, création
musicale, publication d’une oeuvre littéraire complexe, …, et bientôt produire des films. Les artistes s’en sont emparés pour développer une forme d’art appelé « art IA », « prompt art » ou encore « GANisme » (3). Et, parfois, les artistes transforment les résultats obtenus en NFT (4), ces jetons non-fongibles authentifiant sur une blockchain (chaîne de blocs) un actif numérique unique. Pour produire un texte, une image ou une musique sur commande, le logiciel a besoin d’être nourri en textes, images ou musiques préexistantes et en métadonnées sur ces contenus (« deep learning »). Plus le logiciel dispose d’informations fiables, plus le résultat sera probant. Comme toute nouveauté technologique, l’utilisation de ces logiciels soulève de nombreuses questions juridiques. La question centrale en matière de propriété intellectuelle est de savoir à qui appartiennent les droits – s’ils existent – sur les contenus générés par l’IA ?

 

En droit français, une oeuvre est protégeable si elle est originale. L’originalité est définie comme révélant l’empreinte de la personnalité de l’auteur, qui ne peut être qu’un être humain. Il faut donc déterminer qui est l’auteur, ou qui sont les auteurs d’une image, d’un texte ou d’une musique créés via une instruction donnée à un logiciel. Il faut aussi déterminer qui peut en être titulaire des droits. Il pourrait s’agir des auteurs des oeuvres préexistantes, de nous-mêmes lorsque nous avons donné une instruction au logiciel, ou encore de l’auteur du logiciel (par exemple la société Stability AI qui développe Stable Diffusion). Les entités exploitant ces logiciels contribuent au processus permettant d’obtenir des textes, images ou des musiques inédites, dans la mesure où ce sont ces générateurs de contenus qui proposent un résultat comprenant un ensemble de choix plutôt qu’un autre.

 

Ainsi, c’est la part d’« autonomie » des logiciels d’IA qui jette le trouble dans la conception traditionnelle du droit d’auteur. Un tribunal de Shenzhen (Chine) avait jugé en 2019 qu’un article financier écrit par Dreamwriter (IA mise au point par
Tencent en 2015) avait été reproduit sans autorisation, reconnaissant ainsi que la création d’une IA pouvait bénéficier du droit d’auteur. Néanmoins, la contribution du logiciel se fait de manière automatisée et, à notre sens, l’usage technique d’un logiciel pour créer une image, un texte ou une musique ne donne pas au propriétaire du logiciel de droits sur l’image, sur le texte ou la musique : en l’absence d’une intervention humaine sur le choix des couleurs, des formes ou des sons, aucun droit d’auteur ou de coauteur ne peut être revendiqué au nom du logiciel. Le 21 février 2023, aux Etats-Unis, l’Office du Copyright a décidé que des images de bande dessinée créées par l’IA Midjourney ne pouvaient pas être protégées par le droit d’auteur (5). Les conditions d’utilisation de ces générateurs de textes, d’images ou de musiques peuvent le confirmer. Dans le cas de Dall·E 2, les « Terms of use » prévoient expressément que OpenAI transfère à l’utilisateur tous les droits sur les textes et les images obtenus, et demande même que le contenu ainsi généré soit attribué à la personne qui l’a « créé » ou à sa société. Stability AI octroie une licence de droits d’auteur perpétuelle, mondiale, non exclusive, gratuite, libre de redevances et irrévocable pour tous types d’usage de Stable Diffusion, y compris commercial. Mais en l’absence, selon nous, de tout droit transférable, ces dispositions semblent constituer de simples précautions.

 

 

Droits de la personne utilisant le logiciel

 

Il est donc essentiel, pour toute personne qui souhaite utiliser, à titre commercial ou non, les contenus créés via des outils d’IA, générative ou créative, de vérifier si la société exploitant le site en ligne où il les crée lui en donne les droits et à quelles conditions. Dès lors que l’apport créatif de la personne qui donne les instructions au générateur d’images, de textes ou de musique est limité à la production d’une idée mise en œuvre par le logiciel, et que les idées ne sont pas protégeables par le droit d’auteur, il est douteux qu’un tribunal reconnaisse la qualité d’auteur à cette personne. Puisque l’utilisateur du logiciel ne conçoit pas mentalement, à l’avance, le contenu obtenu, il est difficile d’avancer que ce contenu porte « l’empreinte de sa personnalité ». Mais surtout, on pourrait aller jusqu’à dénier la qualification d’oeuvre de l’esprit aux images, textes ou musiques créés par l’IA. En effet, le code de la propriété intellectuelle (CPI) n’accorde la protection du droit d’auteur qu’à des « œuvres de l’esprit » créées par des humains.

 

 

«Oeuvre de l’esprit » inhérente à l’humain

 

Faute d’action positive créatrice de la part d’un humain, on pourrait avancer qu’aucun « esprit » n’est mobilisé, donc qu’aucune « oeuvre de l’esprit » protégeable par le droit d’auteur n’est créée. S’ils ne sont pas des « oeuvres de l’esprit », les contenus ainsi créés seraient alors des biens immatériels de droit commun. Ils sont appropriables non pas par le droit d’auteur (6) mais par la possession (7) ou par le contrat (conditions générales octroyant la propriété à l’utilisateur). Il s’agit alors de créations libres de droit, appartenant au domaine public. Cela fait écho à d’autres types d’« oeuvres » sans auteur comme les peintures du chimpanzé Congo ou les célèbres selfies pris en 2008 par un singe macaque. Sur ce dernier exemple, les juridictions américaines avaient décidé que l’autoportrait réalisé par un singe n’était pas une oeuvre protégeable puisqu’il n’a pas été créé par un humain, sujet de droits. En revanche, dès lors que le résultat obtenu est retravaillé et qu’un apport personnel formel transforme ce résultat, la qualification d’« œuvre de l’esprit » peut être retenue, mais uniquement en raison de la modification originale apportée au résultat produit par le logiciel.

 

Ce cas de figure est d’ailleurs prévu dans la « Sharing & Publication Policy » de Dall·E 2 qui demande à ses utilisateurs modifiant les résultats obtenus de ne pas les présenter comme ayant été entièrement produits par le logiciel ou entièrement produits par un être humain, ce qui est davantage une règle éthique, de transparence, qu’une exigence juridique. En droit français, une œuvre nouvelle qui incorpore une œuvre préexistante sans la participation de son auteur est dite « composite » (8). Si les œuvres préexistantes sont dans le domaine public, leur libre utilisation est permise (sous réserve de l’éventuelle opposition du droit moral par les ayants droit). En revanche, incorporer sans autorisation une œuvre préexistante toujours protégée constitue un acte de contrefaçon. Si, par exemple, on donne l’instruction « Guernica de Picasso en couleurs », on obtiendra une image qui intègre et modifie une œuvre préexistante. Or les œuvres de Picasso ne sont pas dans le domaine public et les ayants droit doivent pouvoir autoriser ou interdire non seulement l’exploitation de l’image obtenue et en demander la destruction, mais peut-être aussi interdire ou autoriser l’usage des œuvres de Picasso par le logiciel.

 

La production et la publication par un utilisateur d’un « Guernica en couleurs » pourraient donc constituer une contrefaçon ; mais l’intégration de Guernica dans la base de données du logiciel (deep learning) pourrait à elle seule constituer également un acte contrefaisant (9). En effet, le CPI sanctionne le fait « d’éditer, de mettre à la disposition du public ou de communiquer au public, sciemment et sous quelque forme que ce soit, un logiciel manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d’oeuvres ou d’objets protégés » (10). Le caractère « manifeste » de la mise à disposition, et la qualification de «mise à disposition » elle-même pourraient être discutés. Mais c’est surtout la directive européenne « Copyright » de 2019 (11) qui pourrait venir en aide aux exploitants d’IA génératrices de contenus en offrant une sécurisation de leur usage d’oeuvres préexistantes protégées. Elle encadre l’exploitation à toutes fins, y compris commerciales, d’oeuvres protégées pour en extraire des informations, notamment dans le cas des générateurs de textes, d’images ou de musiques. Elle prévoit également une possibilité pour les titulaires de droits sur ces oeuvres d’en autoriser ou interdire l’usage, hors finalités académiques.

 

Une telle autorisation peut difficilement être préalable et les exploitants, OpenAI par exemple, mettent donc en place des procédures de signalement de création de contenu contrefaisant (12). Le site Haveibeentrained.com propose, quant à lui, de vérifier si une image a été fournie comme input à des générateurs d’images et de signaler son souhait de retirer l’oeuvre de la base de données. Mais les artistes se plaignent déjà de la complexité qu’il y a à obtenir un tel retrait (13). On le voit, l’irruption des créations de l’IA perturbe le droit de la propriété intellectuelle, dont les outils actuels sont insuffisants pour répondre aux questionnements suscités. On peut imaginer que l’IA permettra un jour de produire de « fausses » sculptures de Camille Claudel, en s’adjoignant la technologie de l’impression 3D, ou encore de faire écrire à Rimbaud ou à Mozart des poèmes et des symphonies d’un niveau artistique équivalent – voire supérieur ! – qu’ils auraient pu écrire et jouer s’ils n’étaient pas morts si jeunes. La question de l’imitation du style d’auteurs encore vivant n’estd’ailleurs pas sans soulever d’autres débats.

 

 

Note : (1) – Le 14-03-23, OpenAI a présenté la version GTP-4 de ChatGPT. (2) – Lire EM@295, p. 4. (3) – Le « GANisme » fait référence aux Generative Adversarial Networks (réseaux antagonistes génératifs). (4) – Non-Fungible Tokens (NFT). (5) – https://lc.cx/ CopyrightGov 21-02-23, 6) – Du seul fait de leur création, article L. 111-1 du CPI. (7) – Article 2276 du code civil. (8) – Article L. 113-1 du CPI. (9) – Getty Images a annoncé le 17-01-23 avoir porté plainte contre Stable Diffusion pour avoir traité dans un processus de deep learning des photos lui appartenant. (10) – Article L. 335-2-1 du CPI. (11) – https://lc.cx/ Copyright17-05-19 (12) – Article 3d des conditions générales d’OpenAI. (13) – https://lc.cx/ Libération29-12-22 (14) – https://lc.cx/Procé

 


Article rédigé par Véronique DAHAN et Jérémie LEROY-RINGUET pour le magazine Edtion Multimdedia n° 297 du 10 avril 2023.

Newsletter social avril 2023 : Adaptation du Code du Travail au droit de l’UE

Retrouvez notre newsletter téléchargeable ici.

 

Newsletter Social : La loi du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d’adaptation du droit français au droit de l’Union européenne a été publiée au Journal officiel du 10 mars 2023.

Elle apporte plusieurs adaptations aux dispositions du Code du travail :

 

  • Le congé paternité 

Sa durée est désormais assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté. De même, le salarié conserve le bénéfice de tous les avantages acquis avant le début du congé, ce qui permettra notamment de garantir le maintien des congés payés acquis. Par ailleurs, le congé de paternité est expressément assimilé à une période de présence dans l’entreprise pour la répartition de la réserve spéciale de participation entre les salariés.

 

  • Le congé parental d’éducation 

La durée du congé parental d’éducation est assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté et ce dernier conserve le bénéfice de tous les avantages acquis avant le début du congé.

 

  • Le congé présence parental

En plus d’être pris en compte en totalité pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté dans l’entreprise, le congé de présence parentale lui permettra dorénavant de conserver tous les avantages acquis avant le début du congé.

 

  • Extension de certains congés familiaux à de nouveaux bénéficiaires

Le bénéfice des congés de solidarité familiale et de proche aidant est étendu aux salariés du particulier employeur ainsi qu’aux assistants maternels de droit privé.

Pour le congé parental d’éducation il ne sera plus exigé que la condition d’ancienneté d’un an soit remplie à la date de naissance de l’enfant ou de son arrivée au foyer en cas d’adoption mais à la date de la demande de congé.

 

  • Suppression des durées de période d’essai plus longues prévues par accord de branche

 

La dérogation permettant aux accords de branche conclus avant la date de publication de la loi du 25 juin 2008, de prévoir des durées de période d’essai plus longues que les durées maximales légales est supprimée (dans un délai de six mois après la promulgation de la loi).

 

  • Information des salariés en CDD ou en intérim sur les postes disponibles en CDI

Les salariés en CDD ou en intérim justifiant d’une ancienneté continue d’au moins six mois pourront, à leur demande, être informés des postes en CDI à pourvoir au sein de l’entreprise.

 


Article rédigé par Géraldine Lepeytre et Blaise Deltombe, associés du pole social du cabinet Joffe & Associés.