Article de Challenges, Publié le 22 sept. 2021
La pépite française Vestiaire Collective (vente en ligne de vêtements et accessoires de luxe de seconde main) a levé 178 millions d’euros, dans une opération qui porte sa valorisation à 1,45 milliard d’euros.
J&A (Thomas Saltiel & Océane Christmann) a, dans le cadre de cette opération, conseillé les fonds historiques (Balderton, Bpifrance Investissement, Condé Nast, Eurazeo growth, Fidelity International, Idinvest, Kering Venture, Korelya Capital, Tiger, Ventech et Vitruvian).
L’opération est menée par Softbank Vision Fund, le fonds qui était déjà derrière la levée record de 580 millions d’euros annoncée mardi par Sorare (jeu d’échange en ligne de vignettes de joueurs de football).
La page LinkedIn de Max Bittner, le nouveau boss de Vestiaire Collective, est éloquente. Parmi ses dernières publications sur le réseau professionnel, l’une relate le boom du marché des vêtements d’occasion, qui devrait peser 42 milliards d’euros en 2022. Une autre, la hausse récente de 70 % des annonces sur le site qu’il dirige. Et une troisième montre… l’effondrement des ventes d’appareils photos face à l’essor des smartphones dans le monde. « J’adore ce graphique, commente cet Allemand au look de hipster. Ça me surprend toujours de voir combien les acteurs d’un secteur se sentent en sécurité tant que leurs ventes progressent, alors que la prochaine disruption est déjà visible. Mieux vaut faire attention, disrupter ou être disrupté. Cela vaut aussi pour nous. »
40 millions d’euros levés
Pas question donc pour le pionnier français de la revente en ligne d’articles de mode, lancé en 2008, de se reposer sur ses lauriers. Certes, Vestiaire Collective a levé 40 millions d’euros en juin, notamment auprès de Bpifrance. Et l’entreprise fait partie de l’indice Next 40, dévoilé en septembre, des 40 start-up françaises les plus prometteuses. Mais Max Bittner, qui a créé le site d’e-commerce Lazada en Asie du Sud-Est – revendu à Alibaba -, doit faire face à une concurrence de plus en plus puissante. Fin juin, son rival américain TheRealReal est entré en Bourse sur une valorisation de 2,4 milliards de dollars. Et, en Europe, Vinted connaît un succès phénoménal. « Ce site reçoit près de 3 millions de visiteurs par jour en France, souligne Marc Lolivier, directeur général de la Fevad, le syndicat professionnel de la vente à distance. C’est la plus forte audience derrière Amazon. » Certes, le panier moyen y tourne autour de 20 euros, contre 400 pour Vestiaire Collective, mais ses membres sont trois fois plus nombreux.
Il fallait agir. Le trafic étant la clé du succès des places de marché, en avril, il a été décidé de baisser les commissions, donc les prix de vente, de 10 % en moyenne, pour améliorer l’attractivité du site. « Cela fait des années que l’équipe hésitait. Il faut attaquer ou se laisser détruire », résume le dirigeant. Autre problème, le modèle de Vestiaire Collective, qui consiste à contrôler (dans son centre de Tourcoing) l’authenticité de chaque produit vendu avant de le réexpédier à l’acheteur, alourdit les frais et rallonge les délais. Exactement le contraire de ce qu’attendent les millennials en matière d’e-commerce. « Ce qui est important, pour une plateforme de vente, c’est l’engagement des clients, leur fréquence d’achat », reconnaît Max Bittner. En septembre, son site a donc lancé le service Envoi Direct, qui permet aux vendeurs ayant reçu le label Expert ou Recommandé, pour leur fiabilité et leur rapidité, d’envoyer directement leurs articles s’ils valent moins de 200 euros. Ce raccourcissement des procédures représente une économie d’environ 10 euros.
Tendance éthique
Le site parie aussi sur les attentes des jeunes pour une mode plus durable. Quoi de mieux pour l’environnement que la revente entre particuliers ? « Il y a une forte demande de consommation éthique, qui colle bien avec le marché de l’occasion », confirme Rino Coletti, fondateur de Violette Sauvage, qui organise des vide-dressings. Ainsi, Vestiaire Collective a lancé des partenariats baptisés Circularity Collabs pour inciter ses membres à revendre des articles de marques très prisés des modeuses, comme Sandro, Maje ou ba&sh, en échange de bons d’achat dans ces enseignes. Un modèle « win-win-win », se félicite Max Bittner. Bon pour la planète, aussi.
Authentification d’un bijou. Cette procédure, typique de la société, n’est plus obligatoire pour les articles vendus moins de 200 euros.